Ce 7 janvier dernier, je ne me suis pas précipité chez le libraire pour acheter votre huitième roman : Anéantir. J’ai attendu que la folie médiatique se calme un peu… Autant vous le dire tout de suite, sans être un houellebecquien farouche, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire tous vos précédents ouvrages.
À votre propos, j’aime à dire « Houellebecq soit on l’aime, soit on le déteste ». Je me rangeais dans la première catégorie. Je pense que vous êtes le seul écrivain français capable de développer cet éventail d’opinions aussi controversées. Gage de votre talent, de votre popularité, mais aussi de votre impopularité.
Quel tour de force !
Autant vous le dire tout de go, j’ai plongé comme un bébé nageur dans les 587 premières pages.
Illico, j’ai adhéré à Paul Raison, le personnage principal : la cinquantaine haut-fonctionnaire au Ministère de l’Économie et des finances, son vide existentiel et les trois axes majeurs de l’intrigue qui débute par de la fiction politique, je suis propulsé en 2027, ça me parle bien ; l’éclairage sur l’anticipation avec les attentats et les mystères ésotériques qui les entourent m’envoient jusqu’à minuit et demi ; la maladie puis la déchéance de son père où l’univers des EPHAD est parfois d’un réalisme criant en phase avec l’actualité.
Ces cinq premiers chapitres sont à mon sens, ce que vous avez écrit de mieux jusqu’à présent. Le style, la posture du narrateur, les dialogues, les descriptions des scènes sont d’une très haute tenue. L’ami Hervé Resse ne tarit pas d’éloges à votre égard : Houellebecq est un genre de Balzac de son époque. Je ne sais dire s’il est « le plus grand écrivain français vivant ».
Je n’étais pas très loin de partager son point de vue avant de commencer hier soir la lecture du sixième et dernier chapitre.
Mais pourquoi diantre m’entraîner sur cette voie ?
J’étais comme beaucoup, je le suppose, dans l’attente des résultats des enquêtes à propos des attentats, de l’élaboration du nouveau gouvernement de Bruno Juge, de la fin proche ou pas de son père… J’imaginais presque que son beau-frère, Hervé était membre de l’organisation secrète Baphomet, ou que sa femme, Prudence, avaient des liens encore plus occultes avec la yucca ou wicca ; que se cachait-il de plus mystérieux derrière cette organisation ?
Enfin, il y avait de quoi faire avec toutes ces intrigues…
Même si je ne suis pas systématiquement un adepte des happy ends, ce dont vous ne m’avez que très rarement habitué, je m’attendais à une sorte de logique dans le récit.
Que nenni !
Je ne doute pas un instant que ces 137 dernières pages soient celles qui vous aient demandé le plus de travail de recherche. C’est pointu, il n’y a pas à dire, mais ce chapitre est totalement hors sujet et en inadéquation inutile avec le reste de l’ouvrage.
Fort heureusement pour moi, je n’avais pas Jean-Louis Murat en fond sonore, j’étais déjà assez anéanti.
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