samedi 29 octobre 2016

"Lettres à Anne" : Et si Twitter avait existé dès 1962...

A la fin des 1246 pages des "Lettres à Anne", il me vient quelques réflexions que j'ai plaisir à partager ici.
Indéniablement, François Mitterrand était un homme qui aimait les belles-lettres. Sa culture pharaonique respire à chaque page de ce pavé édité chez Gallimard. Son style d'écriture est d'une finesse assez remarquable. Il use aisément de la métaphore, renvoie habillement aux anciens, (Socrate, Stendal, Shakespeare, ...)  et plante avec un réel talent les lieux qu'il affectionne. 

Le moins que l'on puisse dire, c'est que si dans de nombreuses circonstances, l'homme était relativement taiseux, il ne manqua jamais d'imagination pour écrire à Madame Pingeot. Encore fallait-il que cette dernière, ait le temps de lire ces missives, qui excédaient souvent cinq pages.

Que dire aussi de ce beau romantisme ? Combien d'entre nous, les hommes, aimeraient  un jour écrire ces Everest de la passion, comme le sait si bien le faire, François Mitterrand ?

J'en viens maintenant au titre de ce billet "Et si Twitter avait existé dès 1962..." François Mitterrand aurait-il été un adepte de ce réseau social ? Dans l'affirmative, en tout état de cause, Gallimard, n'aurait pas eu cette  riche et belle opportunité, de publier ce livre. En tout état de cause, non plus, nous n'aurions pas eu cette chance, de lire ces belles pages. 
Imaginez un instant ce que ce passage aurait donné en 140 caractères "Je vous pose une question simple, que vous seule pouvez résoudre : est-il possible, concevable d'attendre vendredi pour vous voir, comme deux fonctionnaires de la joie ? Après ces huit jours devrais-je en compter cinq autres alors que nous serons dans la même ville ? Mais je le répète cela dépend de vous. Voilà donc mon emploi du temps : rien du tout à partir de 18H30 chaque jour. J'ai tout bloqué sur les matinées et déjeuners. Si vous me fixez une rencontre avant vendredi  (en me gardant ce vendredi quand même) vous saurez que j'en serai très très heureux."

En langage Twitter, ça pourrait faire : Suis dispo chaque jour à partir de 18H30. Mon emploi du temps:Libre matinée et déjeuners.Ça dépend de vous. Serais très heureux de vous voir

Il faut quand même bien avouer que cette version est  nettement moins élégante que la précédente. J'espère vous avoir convaincu. Maintenant si tel n'était pas le cas, j'invite mes amis twittos à me retranscrire ce douloureux passage en 140 caractères. Si je dis douloureux, c'est qu'il m'a fallu quelques secondes pour bien en comprendre le sens (...) je t'aime de désir accompli dans l'inaccompli, ces deux mots ne sont pas antithèse puisque l'accomplissement est domaine de l'esprit quand l'esprit n'a pas d'autre nom que l'amour projeté au-delà de soi-même) Si tu es un petit bolide du tweet malin, je te donne 26 secondes pour me retranscrire à l'identique, la pensée intime de François Mitterrand.

Enfin, nul n'osera relever le défi de passer en mode Twitter, la majestueuse beauté des dernières lignes de François Mitterrand à Madame Anne Pingeot : Mon bonheur est de penser à toi et de t'aimer. Tu m'as toujours apporté plus. Tu as été ma chance de vie. Comment ne pas t'aimer davantage ?

C'est quand même autre chose qu'un vulgaire SMS qui dirait : Si tu reviens, j'annule tout.

2 commentaires:

  1. Le fameux "style" de Mitterrand, mouais… Même à l'époque lointaine où je votais pour lui, je n'ai jamais bien compris ce qu'on pouvait trouver de remarquable à cette prose appliquée à "faire joli", en retard d'à peu près un siècle (comme le prouve éloquemment, d'ailleurs, la dernière phrase que vous citez dont, même après trois relecture, je ne parviens pas du tout à discerner la "majestueuse beauté"). Remarquez, on a déjà tenté de faire de de Gaulle un "grand écrivain" sous prétexte qu'il a essayé d'imité les grands drapés de Chateaubriand, alors…

    D'un autre côté, si on compare ces deux-là à leurs divers successeurs, alors, oui, ils sont écrivains. Le problème est que, dans ce domaine, la comparaison ne signifie rien.

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  2. Je me doutais bien cher Didier, qu'en parlant du "style" de Mitterrand, vous alliez réagir. Au contraire de vous, j'ai bien aimé "le retard d'à peu près un siècle", même si la compréhension du texte est parfois laborieuse. Quant à la dernière phrase, je dois vous avouer que parfois, je suis d'un romantisme idiot.

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